À l’occasion de la commémoration de la Nakba: Lettre du « Département juridique du Front Démocratique pour la Libération de la Palestine » aux partis et élites politiques du monde entier

May 12, 2025

Israël ne craint ni le droit international ni la reddition de comptes, en raison de la protection et du soutien des pays occidentaux
Mesdames et Messieurs,
Dirigeants et membres des partis, élites politiques, intellectuelles, culturelles, médiatiques, syndicales, artistiques et sportives…
Salutations distinguées,
Nous vous adressons cette lettre à l›approche du 77e anniversaire de la Nakba, qui a abouti à l’occupation de la Palestine en 1948, lors de la plus grande opération de déplacement massif et de nettoyage ethnique perpétrée par les milices terroristes sionistes, ayant commis des dizaines de massacres contre le peuple palestinien avec le soutien direct du colonialisme occidental. Cette tragédie a entraîné l’exode de plus de 800 000 Palestiniens vers les pays voisins de la Palestine, réfugiés qui, avec leurs descendants, continuent à revendiquer leur droit au retour conformément à la résolution 194 de l’ONU.
Le scénario se répète aujourd’hui à travers les attaques menées par l’armée israélienne en Cisjordanie, territoire que l’idéologie sioniste fasciste considère comme israélien en vertu d’une loi récemment adoptée par la Knesset. Pendant ce temps, le sang des civils, enfants et femmes assiégés dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, continue de couler abondamment, en raison des crimes commis par l’armée fasciste israélienne utilisant les armes les plus sophistiquées des arsenaux américains et occidentaux — sous les yeux d’un monde impuissant, complice ou craintif, se contentant de regarder.
Dans la continuité des messages précédents, nous vous exposons, dans cette lettre, les crimes de nettoyage ethnique et de déplacement forcé que commet Israël de manière ouverte et délibérée. Ces actes constituent, selon les définitions juridiques et les normes des droits humains, des crimes de guerre qualifiés, dont les auteurs doivent être jugés au niveau international.
Contexte général:
Il y a quelques jours, l’occupation israélienne a lancé une vaste campagne de démolition de maisons palestiniennes dans les camps de réfugiés de Nour Shams et Tulkarem, situés en Cisjordanie — un territoire considéré par le droit international comme occupé, dont Israël n’a pas le droit de modifier les caractéristiques. L’opération vise environ 106 maisons, s’ajoutant à des dizaines d’autres déjà détruites lors des opérations militaires israéliennes continues dans le nord de la Cisjordanie depuis le début de l’année, causant de nombreux martyrs, la destruction de centaines de maisons et de vastes dégâts aux infrastructures (environ 2 900 maisons totalement ou partiellement détruites dans les camps de Nour Shams et Tulkarem), ainsi que le déplacement forcé de milliers de personnes dans des zones comme Jénine, Naplouse, Tulkarem, Tubas et d’autres.
Cette opération ne saurait être justifiée par des considérations militaires ou sécuritaires. Elle répond strictement au programme du gouvernement fasciste israélien, dont l’objectif principal est l’annexion de la plus grande partie de la Cisjordanie. À cette fin, des lois ont été votées, des décisions administratives et gouvernementales ont été prises, notamment celles concernant l’expansion des colonies, l’annulation des divisions géographiques définies par les accords d’Oslo (A, B, C), et la réorganisation des rôles entre l’armée et les ministères opérant en Cisjordanie — le tout dans l’objectif de faire passer le plan d’annexion sans provoquer l’opinion publique internationale.
En réaction à la résistance palestinienne, Israël a recouru à toutes les formes de terreur, plaçant le peuple palestinien devant trois choix :
• La mort, comme ce fut le cas pour des dizaines de résistants opposés au plan israélien,
• L’arrestation, alors que le nombre de détenus originaires de la Cisjordanie a doublé pour atteindre environ 10 000 prisonniers,
• Et enfin, pour ceux qui refusent les deux premiers choix, le déplacement forcé et le nettoyage ethnique les attendent — plus de 50 000 déplacés en Cisjordanie, selon des institutions internationales. Ceci constitue également l’un des objectifs principaux de la guerre contre la bande de Gaza.
Ce qui précède n’est ni une opinion ni une analyse politique, mais des faits sur le terrain. Cela est confirmé par les déclarations de Bezalel Smotrich, l’un des piliers du gouvernement israélien et ministre des Finances, qui a affirmé en février dernier que «l’année 2025 verra la démolition de bâtiments palestiniens à une échelle inédite depuis l’occupation de la Cisjordanie en 1967», ajoutant que cette politique n’est pas limitée à ce qu’ils appellent la «construction illégale», mais vise toute forme de construction palestinienne.
Qualification juridique :
Les documents internationaux ne manquent pas pour qualifier le déplacement forcé et le nettoyage ethnique comme crimes nécessitant des poursuites judiciaires. Pourtant, la communauté internationale reste incapable d’assumer ses responsabilités face aux crimes d’Israël. Pire encore, certaines grandes puissances continuent de fournir à l’armée israélienne des armes, des technologies militaires, ainsi qu’une protection diplomatique sur la scène internationale, ce qui revient à encourager activement Israël à violer le droit international.
Même si certaines conventions ne sont pas juridiquement contraignantes pour Israël en tant que puissance occupante, il existe de nombreux textes clairs et précis qui s’appliquent directement à ses crimes, tant dans leur définition que dans l’obligation qu’ils imposent à la communauté internationale de les faire respecter — et de punir les responsables.
Les textes juridiques sont clairs quant à la définition du déplacement forcé et massif des populations, considéré comme un crime de guerre et un crime contre l’humanité. Le problème ne réside pas dans la définition, mais dans son application effective sur le terrain. Le déplacement forcé, selon la définition juridique, est une mesure prise par une autorité gouvernementale, ses branches, ou des groupes armés, visant à contraindre certains groupes à quitter les terres qu’ils occupent. Ce déplacement peut être :
• Direct — par la force militaire,
• Indirect — par l’intimidation, la faim ou la soif.
(N’est-ce pas exactement ce qui se passe aujourd’hui dans la bande de Gaza et en Cisjordanie ?)
L’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale stipule que le «transfert ou déplacement forcé de population» constitue un crime contre l’humanité lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile. Cela signifie que le déplacement forcé, par l’expulsion ou tout autre acte contraignant, de personnes légalement présentes dans une zone donnée, est un crime contre l’humanité.
L’article 8, quant à lui, inclut le transfert illégal ou le déplacement dans la catégorie des crimes de guerre. Il n’est guère difficile de constater que les actes commis par Israël correspondent point par point à ces définitions. Il en va de même pour la quatrième Convention de Genève de 1949, qui interdit explicitement « le transfert forcé collectif ou individuel de personnes protégées, ou leur déportation depuis un territoire occupé vers celui de la puissance occupante ou tout autre territoire, occupé ou non, quelle qu’en soit la raison ».
Israël prétend que cette convention ne lui est pas contraignante, mais elle reste un référentiel fondamental pour les juridictions nationales et internationales afin de qualifier les crimes de guerre perpétrés par Israël. Des dizaines de documents internationaux condamnent Israël et son armée pour les crimes de déplacement forcé et de nettoyage ethnique contre le peuple palestinien.
conséquent, il est impossible de dissocier le plan de déplacement forcé et massif du peuple palestinien de l’idéologie historique du projet sioniste, fondé sur le principe de l’occupation de la Palestine, l’élimination du plus grand nombre possible de ses habitants, et le déplacement de ceux qui restent. C’est exactement ce qui s’est produit en 1948, lorsque les milices sionistes ont commis des dizaines de massacres après avoir détruit des centaines de villages et de villes palestiniennes, provoquant l’exode de plus de 800 000 réfugiés vers la Cisjordanie, la bande de Gaza et les pays arabes voisins.
La communauté internationale n’a pas réagi à ce crime d’une ampleur sans précédent, qui allait bien au-delà d’un simple déplacement : il s’agissait d’un anéantissement d’une société entière. Elle a, au contraire, accepté les conséquences de ce qu’on appelle aujourd’hui la «Nakba», comme une réalité de fait. Ce silence a encouragé les milices sionistes à poursuivre leurs crimes, et à occuper de nouveau, en 1967, la Cisjordanie, le Golan syrien et une partie du territoire égyptien.
Et malgré des centaines de massacres documentés comme crimes de guerre condamnés par le droit international public et humanitaire, ainsi que par toutes les instances juridiques, judiciaires et humanitaires internationales, la communauté internationale continue de regarder les pratiques israéliennes à travers le prisme de l’impuissance, de la faiblesse et de la soumission aux rapports de force mondiaux — même si cette soumission signifie jeter le droit international à la poubelle…
Sur le terrain :
À l’analyse des textes juridiques et de leur application à Israël, on constate que l’armée israélienne a commis, au cours de ses opérations militaires, des actes allant au-delà du déplacement forcé, incluant le génocide, le nettoyage ethnique, ainsi que le recours à la famine et à la soif comme armes de guerre. L’exemple le plus clair reste l’opération militaire menée dans le nord de la bande de Gaza, qui a duré environ trois mois. Cette offensive visait explicitement à pousser les Palestiniens à quitter la région, conformément à ce qu’on appelle le « plan des généraux ».
En pratique, le projet de déplacement forcé et de nettoyage ethnique était l’un des objectifs principaux de la guerre d’extermination menée contre Gaza. Dès le premier jour du conflit, l’armée d’occupation israélienne a ordonné aux habitants du nord de Gaza de se diriger vers le centre, puis vers le sud, dans une tentative de les pousser vers la frontière égyptienne, avec comme objectif final leur déplacement vers d’autres pays.
Bien que certains Palestiniens aient été contraints de fuir le nord en raison de la politique de terre brûlée appliquée par l’armée israélienne, la mort les attendait sur leur chemin. Il est vite devenu clair que ces ordres d’évacuation avaient un double objectif : non seulement le déplacement, mais aussi tendre des pièges mortels aux civils, que ce soit sur les routes, dans les centres d’accueil, les hôpitaux, les lieux de culte ou les installations internationales.
Il n’est plus un secret que lorsqu’Israël a lancé sa guerre contre Gaza, elle poursuivait des objectifs déclarés liés à la résistance palestinienne et à son démantèlement. Mais un objectif caché — non mentionné parmi les buts officiels — a occupé la priorité dès le premier jour : le déplacement forcé des habitants. Plusieurs responsables israéliens ont reconnu que le plan de déplacement était l’un des objectifs stratégiques de la guerre.
Aujourd’hui, des dizaines de déclarations officielles israéliennes confirment à la fois l’intention et la mise en œuvre du déplacement forcé, devenu désormais un plan ouvertement assumé. Voici quelques exemples :
• Dès la première semaine de l’agression, un document a fuité du ministère israélien du Renseignement recommandant l’occupation totale de Gaza et le déplacement de ses habitants vers le Sinaï, dans le cadre de plusieurs options sur la manière de gérer la population.
• Le rédacteur en chef du journal Haaretz a admis qu’Israël impose un régime d’apartheid brutal aux Palestiniens, et commet un nettoyage ethnique, qualifiant les pratiques militaires israéliennes dans les territoires occupés et à Gaza de « deuxième Nakba ».
• L’approbation par l’armée israélienne du « plan des généraux » dans le nord de Gaza incluait des mesures de siège, de famine et de destruction, pour forcer les civils à fuir, sous prétexte d’imposer à la résistance le choix entre la reddition ou la mort.
• Le ministre des Finances Smotrich a déclaré travailler avec le Premier ministre à un plan de déplacement des Palestiniens de Gaza, justifié par l’absence de zones habitables suite à la destruction des infrastructures. Le ministre Ben Gvir a quant à lui affirmé que « promouvoir la migration est la seule solution qui apportera paix et tranquillité à Israël et aux habitants de Gaza ».
• En début d’année 2025, plusieurs membres de la Knesset ont appelé le ministre de la Défense à détruire les sources d’eau, de nourriture et d’électricité dans le nord de Gaza, à vider la zone de sa population et à tuer quiconque ne brandit pas le drapeau blanc.
Lorsque plus de 70 % du nord de la bande de Gaza est détruit, l’objectif est clairement et explicitement de forcer le déplacement massif et contraint de la population. Il est désormais évident que le déplacement et le nettoyage ethnique sont parmi les objectifs fondamentaux de cette guerre — notamment parce qu’Israël est incapable de définir une stratégie politique pour gérer Gaza, un territoire à la densité de population parmi les plus élevées du monde.
En examinant de plus près les faits, on constate que de nombreuses opérations de destruction et de meurtres massifs n’avaient aucune justification militaire. Plusieurs zones ont été totalement détruites alors qu’elles étaient déjà sous contrôle militaire israélien, ce qui confirme que l’objectif était de rendre impossible le retour des habitants à leurs foyers, imposant ainsi le déplacement forcé, et de faire payer au peuple palestinien le prix du retour à la vie normale.
Et bien que le plan de déplacement massif des habitants de Gaza ait temporairement échoué, les déclarations du président des États-Unis, appelant explicitement au déplacement de la population de Gaza, ont redonné un souffle nouveau au projet des sionistes fascistes, ravivant le plan de déplacement forcé, qui constitue un crime de guerre pour lequel les responsables doivent être tenus pour comptables.
Ce type d’appel doit être fermement condamné par toutes les personnes encore attachées à l’humanité et aux valeurs du droit international.
Le peuple palestinien — en particulier à Gaza et dans le nord de la bande — a tenu tête à tous les plans de l’occupation, notamment à celui du déplacement forcé. Ils ont enduré des horreurs que peu de peuples ont connues dans l’histoire moderne. Le retour massif de centaines de milliers de personnes des zones centrales et méridionales de Gaza vers le nord a marqué une défaite symbolique du plan sioniste de déplacement tel qu’il avait été conçu au début de la guerre. Cela ne signifie pas pour autant l’abandon complet du projet. Israël, soutenue par les États-Unis, cherchera à relancer ce plan sous d›autres formes.
Cela représente le prochain champ de bataille, tant à Gaza qu’en Cisjordanie, où la confrontation avec le projet d’annexion et de déplacement du peuple palestinien hors de sa terre se poursuit.
C’est pourquoi le mot d’ordre de poursuites et de jugement d’Israël devant les juridictions internationales doit rester la boussole et l’objectif commun de tous les peuples libres à travers le monde. Les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de nettoyage ethnique ne prescrivent pas avec le temps, et juger les criminels sionistes, même après leur mort, est le véritable critère de l’humanité du monde. Le monde porte une responsabilité historique, que ce soit par son silence face aux crimes contre les enfants et les femmes, perpétrés en direct, ou par son incapacité à défendre son propre système juridique et judiciaire.
Nous nous adressons à vous, au nom du Département juridique du Front Démocratique pour la Libération de la Palestine, en tant que partis, parlementaires, personnalités politiques, structures juridiques, élites intellectuelles, culturelles, médiatiques, syndicales, artistiques et sportives, afin que vous poursuiviez votre action militante, sur le terrain comme dans les institutions, pour réveiller la conscience mondiale face aux crimes quotidiens perpétrés contre les enfants, les femmes et l’ensemble du peuple palestinien dans la bande de Gaza.
Nous vous appelons à élever vos voix auprès de vos gouvernements, à exiger une intervention politique, juridique, judiciaire et humanitaire immédiate afin de mettre fin à l’extermination d’un peuple assiégé, tué dans chaque recoin de la bande de Gaza, qui est devenue un lieu de bûchers humains où les soldats de l’ennemi israélien rivalisent dans l’art de tuer un peuple tout entier.
Il est grand temps de mettre fin à cette série de crimes, et il est aussi temps de mettre Israël face à ses responsabilités, en jugeant ses criminels de guerre.